Hacienda Guzman dans le magazine Bilan
Au fil du gout – supplément du magazine Bilan – Hiver 219
S’imposant comme la première région mondiale productrice d’huile d’olive. L’Andalousie a opéré une spectaculaire montée en gamme de ses produits. Visite.
L’arrivée a !’Hacienda Guzman, à la Rinconada (Séville), fait l’effet d’un rêve éveUlé. Au milieu d’hectares d’oliviers se dresse une bâtisse du XVI’ siècle. Des palmiers centenaires 01nbragen1 le patio, tandis que des bou gainvillées violettes grimpent le long des murs blanchis à la chaux. « Quand on a découvert ce site avec mon père, tout était recouvert de décombres. Cette hacienda a appartenu à Fernand Colomb, fils de Christophe Colomb. Et puis, elle a été abandonnée dans les années 1990. Il a fallu déblayer des tonnes de débris. Mais dessous, tout était intact » relate Alvaro Guillen, directeur du groupe Acesur, un des groupes leaders de la production d’huile d’olive en Espagne.
Acquise par le père d’Alvaro, Juan Ramon Guilien, l’hacienda Guzman héberge maintenant une fondation consacrée à la culture de l’huile d’olive. Le moulin et une aube en acajou de 15 mètres de long datant du XVIIe siècle ont été restaurés et fonctionnent toujours. Bilan a pu découvrir l’endroit lors d’un voyage de presse organisé par le gouvernement hispanique.
A l’hacienda Guzman, les récoltes se font à la main clans un souci de retour aux sources. Les huiles aux couleurs de l’hacienda appartiennent au segment premium. On ne mélange pas les différentes variétés d’olives du domaine (arbequina, hojiblanco et manzanilla). Mais il existe aussi des coupages, qui aillent des niveaux de mûrissement différents afin d’affiner la saveur.
La famille Guillen détient 80% d’ Acesur. Exortant ses huiles dans une centaine de pays, la société est en pleine croissance. Elle vise une part de 60% à l’exportation d’ici à quelques années. sans faire baisser le chiffre d’affaires en Espagne.
L’ensemble du secteur est passé par une impressionnante montée en gamme. Les responsables d’Acesur, de même que ceux de ses concurrents, n’ont plus que le mot «qualité» à la bouche. Les processus s’inspirent du monde de I’ œnologie. Sur le modèle de l’œnotourisme, l’Andalousie développe des circuits d’oléotourisme qui permettent aux visiteurs de découvrir des paysages el des exploitations historiques splendides, tout en goOtant à des produits d’exception. L’oléotourisme attire déjà plusieurs di zaines de 1milliers de touristes par an dans le pays. Des visiteurs en majorité étrangers, dont beaucoup viennent des EtatsUnis, de la Chine ou du Japon, attirés par ce pan de la civilisation méditerranée.
60 milllons d’oliviers
Changement de décor. Au nord est de l’Andalousie, la ville de Jaén passe pour la capitale mondiale de l’huile d’olive. Rassemblant quelque 60 millions d’oliviers, la province compte à elle seule davantage d’arbres que l’Espagne n’a d’habitants (47 millions). Un cinquième de la production mondiale provient de la région. Riche en moulins à huile. restaurants, fermes, spas, hôtels et musées, l’offre touristique est gérée par le label Oleotour Jaén.
Vestige historique, Gastillo de Cane na a été construit par les Arabes qui ont occupé r Andalousie jusqu’au xv• siècle, puis il a été transformé en forteresse durant la période de la Reconquista. t:édiflce est ensuite devenu un pala.is où l’empereur Charles Quint a séjourné. Descendants d’une dynastie de cultivateurs d’olives remontant à 1780, Paco etRosa Vano ont repris le Castillo de Canena il y a une quinzaine d’années.
Frère et sœur, ils étalent auparavant respectivement économiste et spécialiste du marketing chez Coca-Cola. Depuis leur arrivée, le domaine a été reconverti à la biodynamle. Et les huiles collectionnent les distinctions internationales. La stratégie du groupe se caractérise par des innovations inattendues, avec des spécialités comme une huile fumée, à la harissa ou encore au plancton.
Avec Ubeda et Baeza, la province de Jaén offre aux yeux des visiteurs deuxjoyaux de la Renaissance espagnole, classés au Patrimoine mondial de runesco depuis 2003.
A Ubeda, faites absolument une visite de la ville avec Andrea Pezzini, un puits de science et d’érudition vous montrera la Sinagoga del Agua, dont il est le directeur. Cette construction souterraine a été redécouverte il y a une dizaine d’années seulement, lors de travaux de transformation de l’immeuble. Le clou de la visite : au deuxième sous-sol, une source alimente un Mikvé, bain rituel juif de purification. Le jour du solstice d’été, une ouverture dans le plafond laisse passer les rayons du soleil qui viennent illuminer la surface de l’eau. Cette partie du site pourrait remonter à l’ère néolithique. Les études manquent encore à ce sujet.
Dégustations gourmandes
Du côté de la gastronomie locale, l’huile cl’ olive se retrouve dès le matin sur des tranches de pain grillé recouvertes de pulpe de tomate fraiche: le «pan con tomate». En journée, elle se déguste dans un gaspacho ou un salmorejo (soupe froide à base de tomate, pain et ail). Viande et poisson n’y échappent pas davantage. La cuisine andalouse commence et se termine avec «l’or liquide».
Menlionner une seule huile parmi toutes celles qui se disputent les palais des visiteurs est forcément injuste. Mais assumons et citons la Castillo de Canena Primero Royal Temprano. Un produit issu de la variété d’olives royales. Au nez, on perçoit des arômes fruités et herbacés.
L’herbe fraîche, la banane verte. l’artichaut précèdent les fruits tropicaux, type ananas et kiwi. En bouche, l’amertume reste en retrait tandis que le piquant domine puis diminue. Le tout est harmonieux et convient bien à des amateurs peu habitués à la force typiquement andalouse de certains crus, très amers ou très piquants, voire les deux à la fois.
Les secret de l’huile d’olive extra vierge
Le produit phare des producteurs andalous est l’huile d’olive extra vierge premium. Il s’agit de la meilleure qualité disponible d’huile: c’est le pur jus des olives de la première récolte de
la saison qui a lieu habituellement en octobre, alors que la cueillette se poursuit Jusqu’à décembre ou Janvier. Plus les olives sont rapidement pressées, plus la qualité est
élevée. Les fruits sont cueillis encore verts pour assurer une complexité organoleptique maximale et donc davantage de saveurs et
d’arômes. Le niveau des antioxydants est aussi au plus haut. ce qui allonge la durée de
vie du liquide. La transformation des olives s’effectue â une température Inférieure â 21degrés pour ne pas altérer les qualités du Jus. Afin que la couleur n’influence pas la perception, on déguste cet or liquide dans un
verre en cristal bleu.
Les différentes variétés d’olives amènent
chacune leurs particularités. La manzanilla offre un équilibre entre le piquant, ramer et le doux. Très fruitée, elle comprend des notes
rappelant la pomme. le plant de tomate et la banane mOre. Légèrement piquante,
hojiblanca déploie un gout de pomme, puis un arrière-gout d’amande. Sans doute la plus connue en Europe et typique de Jaén, la picual
se caractérise par son amertume et ses parfums herbacés tels que feuille d’olivier, figuier et plant de tomate. L’Espagne compte 28 appellations d’origine contrôlée, dont 12 proviennent d’Andalousie.
PAR MARY VAKARIDIS pour le journal Bilan
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